A Caminho Da Ilha

Raconter le Mozambique quelques années après me semble aussi évident qu’insaisissable. Il suffit que je ferme les yeux ou que je revois une de ces photos pour que tout vienne : la route qui file à travers le pays, à perte de vue (ou à perte de voyage), les premiers baobabs, la mosquée verte qui flotte au-dessus de l’eau un matin, ou encore la nuit dans un hôtel quasi abandonné. Mais en même temps que cette facilité de vision (ou d’apparition), le paysage me semble lointain, l’odeur de la peau de la femme aimée aussi, les baobabs eux-mêmes lointains ; un instant plus tôt ils étaient pourtant à côté de moi dans la pièce et les voilà maintenant diffus comme de vieux et élégants fantômes. Il n’y a pas à se battre avec le temps. Simplement les choses sont là, dans leur vapeur ou leurs corps pénétrants, dans leurs parfums et leurs bords de mer. Nous avons remonté tout le Mozambique pour rejoindre Ilha, première et désuète capitale du Mozambique, bordée par l’océan indien et bercée dans sa monotonie d’île. Voilà Ilha. Nous étions dans ses rues le soir, sortant de la petite auberge aux toits arabes. On marchait en oubliant notre vie à Maputo, si dure par tant d’aspects, et on goutait dans le charme de l’amour (c’est probablement cela ce « nous ») les plages, les rivages, les contours charnels et vagues du temps.

S’est rajouté à tout cela des prises de vue faites avec un appareil jouet, du type « nuage-soleil ». Je ne pouvais l’ouvrir, pour changer ma pellicule de 12 poses, qu’une fois par jour, à la tombée de la nuit, et par préoccupation peut-être exagérée, sous les draps et les duvets.

(Prises de vue faites en 2012 au Mozambique)